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Brouillard

27 Mai 2018, 21:12pm

Publié par Lino Pereira

Brouillard

Il s’est remis à pleuvoir. Je ne vois plus mon ombre mais le silence qu’elle a commencé à installer se poursuit sous la pluie et dans le brouillard.

 

Je marche dans ce néant, pas à pas. Dans un brouillard qui laisse apparaître une lumière et transforme le chemin en tunnel. Il n’y a pas de ciel et l’épaisseur de l’atmosphère crée une bulle qui est délimitée par la vue, comme une extension du corps, mon monde à la portée de ma main, se terminant dans une épaisseur qui adoucit les limites et rend irréel les corps, qui se perdent dans son épaisseur. Squelettes dont toutes les ramifications deviennent des racines puisant dans la vapeur environnante.

Brouillard

C’est une enveloppe qui régule la température du corps avec l’énergie du pas. Un cocon confortable, de la ouate. On oublie le temps, depuis combien de temps on marche et jusqu’où l’on va  

 

Ce qui semblait important a disparu mais ce qui vient émeut sans encore dire des mots, c’est comme une sorte de nourriture faite d’ombre, de reflets et lumières changeantes, de formes qui apparaissent, de lumière au bout du tunnel, diffuse, qui n’est pas une limite mais elle ne laisse rien entrevoir de ce qu’il pourrait y avoir plus loin. 

Au début de la journée on s’attendait à ce que le temps se lève et que le soleil apparaisse. Ou que la pluie condense cette vapeur et dégringole en éclaircissant l’air. Même si elle advenait le tunnel demeurerait. Ici il est juste plus prononcé que sous des arbres dans un ciel clair. 

Il existait déjà dans les étapes précédentes, c’est une sensation quotidienne qui s’intensifie avec les arbres, quand les branches se rejoignent et dessinent un cercle qui tient lieu de point de fuite.

Brouillard

Qu’il y ait des cailloux et des pentes raides, que le sol soit plat et régulier, qu’il y ait des arbres et pas de ligne d’horizon,  et que soudain on arrive à une clairière, qu’on ait envie de devenir un oiseau pour survoler les cimes de verdure qui s’étalent sur tout l’horizon et oublier le poids du sac et du corps, la ligne continue à serpenter et moi à la suivre, concentré sur la seule pensée d’avancer dans ce tunnel sans fin. 

 

On n’arrive à rien avec la marche, c’est elle qui décide de ce qu’il adviendra. Je suis parti pour aller jusqu’à Santiago et seulement la marche décidera si elle me laissera aller jusque là ou pas.

Qu’ai-je donc oublié qui était si important? C’était des questions essentielles, celles que l’âge exige, les constatations auxquelles il oblige. Je n’ai pas encore oublié le temps.

Brouillard

Je pensais poser des questions à ceux que je rencontre mais personne n’a envie de répondre à des questions, chacun son chemin. 

 

Et puis le silence petit à petit s’installe, les rythmes sont la respiration et la pose du bâton, 

Arrivera un moment où chaque chose parlera, arrivera un moment où je comprendrai ce que dit l’ombre, le reflet, le bouton d’or et le coquelicot.

Ce chemin est un livre qu’il faut lire avec les pieds, le pas, le poids, la douleur, la fatigue.

 

L’horizon s’est élargi en occitane. Le terrain est plat et des gros tracteurs ventrus avec leur grosse citernes de poison sur des roues plus hautes et plus larges qu’un gros humain parcourent les grandes surfaces cultivées. Les pilotes dans les cabines de ces monstres sont les petits cerveaux de ces mécaniques qui exterminent tout ce qui est nuisible à leur profit. Ils cultivent ce qu’on mange avec des masques à gaz pour éviter d’inhaler les saloperies qu’ils déversent sur la nourriture.

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